Fidaquitaine

Rapport datant de 2010 /2011 – Depuis la règlementation a évolué.

Place et missions des professionnels de la comptabilité dans le cadre des procédures appliquées aux entreprises en difficulté

La Loi du 26 juillet 2005, l’Ordonnance du 18 décembre 2008 et la Loi du 22 octobre 2010 ont contribué à améliorer les dispositifs existants et à privilégier les traitements préventifs des difficultés.  L’objectif est ainsi de préserver l’activité et les emplois et de baisser au maximum les conséquences économiques et sociales. Cependant, il y a une réelle réticence des débiteurs à faire part des difficultés de leur entreprise avant que la situation devienne irrémédiable.

L’expert-comptable et le commissaire aux comptes sont les deux parties les plus disposées à percevoir les difficultés de l’entreprise et à l’en informer sur les possibilités qui s’offrent à elle. Ils l’informent également des possibilités de disposer d’une assistance externe pour les aider à sortir de leurs difficultés.

PARTIE 1 : LES PROCÉDURES AMIABLES ET COLLECTIVES ET LES CHAMPS D’INTERVENTION DES PROFESSIONNELS DE LA COMPTABILITÉ

 Chapitre 1 : Les procédures amiables

  1. Le mandat ad hoc

Le mandat ad hoc est la procédure la plus discrète et la plus souple puisqu’il s’agit d’une opération confidentielle et amiable. Elle est applicable aux entreprises qui ne se trouvent pas en situation de cessation des paiements et vient souvent en préparation à la conciliation ou à la sauvegarde.

Cette procédure consiste en la conclusion d’un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers. Elle peut être initiée par tous les représentants d’entreprises par une demande au président du tribunal.

Le mandat ad hoc dure trois mois au maximum et donne lieu à la signature d’un accord amiable.

Le mandataire ne possède aucun pouvoir vis-à-vis des tiers. Il est soumis à une obligation de confidentialité. L’expert-comptable quant à lui est l’interlocuteur privilégié du dirigeant dans ce type de démarche et est soumis au secret professionnel.

  1. Procédure de conciliation

La procédure de conciliation est ouverte à tous les types d’entreprise mis à part les exploitants agricoles.

Par ailleurs, deux conditions doivent être respectées : une difficulté juridique, économique ou financière avérée ou prévisible doit exister et l’entreprise ne doit pas se trouver en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours.  Dans cette procédure, un conciliateur est nommé afin de favoriser un accord amiable entre le débiteur et ses créanciers. Cette procédure de maximum 4 mois permet de régler les difficultés de l’entreprises rapidement. Un accord de conciliation va être signé entre le débiteur et ses créanciers. Ainsi, les créanciers signataires de l’accord ne pourront plus agir en paiement de leurs créances faisant l’objet de l’accord de conciliation. Le créancier est alors protégé et il dispose de deux ans maximum pour régler l’ensemble de ses dettes aux créanciers non signataires.

Dans cette démarche, l’expert-comptable est la personne la plus apte à faire une synthèse de la situation économique, sociale et financière de l’entreprise. Le commissaire aux comptes, quant à lui, est informé de l’ouverture de la procédure et peut être sollicité par le président du tribunal afin d’obtenir des informations sur l’entreprise.

Chapitre 2 : les procédures collectives

  1. Procédure de sauvegarde

Cette procédure hybride, destinée à toutes les entreprises, s’inscrit à la fois dans une logique de prévention des difficultés et dans une démarche judiciaire. Pour lancer cette procédure, l’entreprise ne doit pas être en état de cessation des paiements. Par ailleurs, il lui suffit de formuler une demande auprès du tribunal pour être placée sous sa protection.

La procédure de sauvegarde fait l’objet d’une publicité du jugement, il n’y a donc aucune confidentialité.

Par ailleurs, cette procédure réunit divers intervenants : un juge commissaire, un administrateur et un mandataire judiciaire, un à cinq contrôleurs et un représentant des salariés.

La procédure de sauvegarde comporte deux étapes clés :

  • Le juge prononce le jugement d’ouverture
  • Une période d’observation durant laquelle l’entreprise poursuit son activité et qui donne lieu à l’élaboration d’un plan de sauvegarde d’une durée maximale de 10 ans. A partir du moment où le plan de sauvegarde est déclaré, les créanciers n’ayant pas déclaré leurs créances ne pourront plus poursuivre le débiteur.

Lors de la procédure de sauvegarde, l’expert-comptable est l’interlocuteur privilégié pour assister et conseiller le chef d’entreprise. Le commissaire aux comptes quant à lui est immédiatement informé de l’ouverture de la procédure.

  1. Procédure de redressement judiciaire

La procédure de redressement judiciaire s’adresse à toutes les entreprises. En état de cessation des paiements. Cette procédure peut être initiée par le débiteur ou par des tiers.  La date de cessation des paiements correspond au moment où le jugement d’ouverture du redressement judiciaire est prononcé.

En plus de ne pas être confidentielle, cette procédure a pour conséquence de restreindre les pouvoirs du débiteur puisque l’administrateur judiciaire peut se voir confier une mission d’administration totale de l’entreprise. Par ailleurs, le dirigeant ne pourra pas céder ses droits sociaux durant la procédure de redressement. Cependant, le plan de redressement (de 10 ans maximum) peut donner lieu à une cession totale ou partielle de l’activité. L’aboutissement de la procédure de redressement est donc le plan de redressement qui peut être converti en liquidation dans le cas où aucun redressement ne peut être envisagé. Concernant les salariés, une procédure dérogatoire de licenciement peut être mise en place dans le cas où la survie de l’entreprise en dépend.

L’expert-comptable aura dans cette procédure un rôle de conseil et d’assistance. De plus il est capable de déterminer à un moment précis si l’entreprise est en état de cessation des paiements. La mission du commissaire aux comptes est maintenue pendant la procédure de redressement.

  1. Procédure de liquidation judiciaire.

La procédure de liquidation judiciaire est destinée aux entreprises ayant échoué dans leurs tentatives de conciliation, sauvegarde ou redressement ainsi que pour les entreprises n’ayant pas détecté assez tôt les difficultés. La finalité de cette procédure est de mettre fin à l’activité de l’entreprise dans les meilleures conditions.

Pendant la durée de la procédure, la situation du débiteur est figée afin que les organes de la procédure puissent agir dans le délai qui leur a été donné par le tribunal. Le liquidateur va exercer les fonctions du dirigeant et organiser la liquidation de l’entreprise. Une fois que le passif est apuré ou que l’actif est insuffisant pour désintéresser tous les créanciers, la liquidation prend fin.

Dans cette procédure, l’expert-comptable peut être appelé afin d’assister le débiteur.

PARTIE 2 : LES ATTRIBUTIONS DES EXPERTS-COMPTABLES ET COMMISSAIRES AUX COMPTES ET LES SANCTIONS QU’ILS ENCOURENT DANS LE CADRE DE LEUR MISSION

Chapitre 1 : Le maintien des obligations courantes des professionnels comptables

  1. La poursuite de la mission en cours par l’expert-comptable à la date de l’ouverture de la procédure.

L’expert-comptable doit poursuivre sa mission même lorsque la procédure est ouverte. Ainsi il doit continuer à produire l’ensemble des déclarations fiscales courantes dans les mêmes conditions qu’auparavant. Il devra également produire les bulletins de salaire et effectuer les déclarations sociales courantes. Dans le cas où l’entreprise est en cessation des paiements, l’expert-comptable doit redoubler d’attention afin de distinguer les créances sociales antérieures et postérieures au jugement d’ouverture. Il devra également produire les états financiers à échéance. Par ailleurs, tout au long de l’exercice de ses fonctions, l’expert-comptable est lié par le secret professionnel, le devoir de discrétion et le droit de rétention. Cependant, le devoir de discrétion de l’expert-comptable n’est pas opposable aux administrateurs et mandataires. Par ailleurs, dans le cas où l’expert-comptable n’est pas payé, il est en droit de conserver l’ensemble des documents qu’il aura produits dans le cadre de son travail, à condition qu’il ait épuisé toutes les voies de conciliation.

  1. La poursuite du mandat du commissaire aux comptes

Le commissaire aux comptes est censé mettre en place des outils d’audit adaptés à la structure.

Il doit également respecter la procédure d’alerte. Cette dernière est différente selon que la société est une SA ou un autre statut juridique.

Le commissaire aux comptes doit également poursuivre sa mission légale puisque seule la liquidation peut permettre au commissaire aux comptes de mettre fin à sa mission. Dans le cadre de sa mission, le commissaire aux comptes est tenu par le secret professionnel et est délié du secret professionnel envers le président du tribunal de commerce.

Chapitre 2 : Les travaux spécifiques aux procédures engagées.

  1. Une mission particulière pour l’expert-comptable

L’expert-comptable doit prendre le recul nécessaire sur ses compétences afin de voir si elles sont suffisantes pour mener à bien la mission qui lui est confiée.

Le fait de travailler pour une entreprise en difficulté fait naître de nouvelles missions pour l’expert-comptable qui doit connaître les effets de l’ouverture de la procédure sur l’organisation de l’entreprise et sur le moral du dirigeant et de ses employés. Par ailleurs, l’expert-comptable doit avoir conscience du risque d’impayé auquel il est exposé.

Ensuite, l’expert-comptable peut être sollicité pour assister les organes de la procédure (sollicitation du débiteur, assistance aux mandataires de justice, désignation par ordonnance du tribunal de commerce).

Enfin, il existe une véritable collaboration entre les instances comptables en place et les nouveaux intervenants.

  1. Les impératifs et les limites de cette mission

Les normes professionnelles interdisent à l’expert-comptable d’assumer la fonction d’administrateur judiciaire. Il ne peut pas non plus s’immiscer dans la gestion d’une entreprise. Il se doit de respecter un certain nombre de délais d’autant plus dans le cadre d’une entreprise en difficulté où des contraintes supplémentaires interviennent. La difficulté va donc être de concilier les échéances courantes liées à la vie de l’entreprise et celles induites par la procédure. Par ailleurs, l’expert-comptable devra réaliser un compte-rendu de fin de mission récapitulant l’ensemble de ses diligences. Durant la réalisation de sa mission, l’expert-comptable sera constamment en contact avec les intervenants de la procédure.

Enfin, l’expert-comptable doit produire des documents qui requièrent la mise en place d’une organisation comptable précise. Son traitement doit s’adapter aux spécificités juridiques de la procédure et il doit obtenir des données comptables et financières fiables.

  1. L’émission d’attestations et de certifications par les experts-comptables et les commissaires aux comptes

Dans le cadre d’une procédure amiable ou collective, il peut être demandé ponctuellement à l’expert-comptable ou au commissaire aux comptes d’établir des attestations ou de procéder à des certifications : l’inventaire d’ouverture d’une procédure collective est certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable ; les créances produites en procédure collective sont certifiées par le commissaire aux comptes ; le commissaire aux comptes ou l’expert-comptable peut avoir à fournir une attestation conventionnelle. Ces attestations sont encadrées par des normes professionnelles.

Chapitre 3 : La mise en cause de la responsabilité des professionnels de la comptabilité dans le cadre des missions les liant aux entreprises en difficulté

  1. La mise en cause de la responsabilité des experts-comptables et commissaires aux comptes pour les travaux relatifs à des missions en cours à la date de l’ouverture de la procédure.

L’expert-comptable doit informer son client de l’ensemble des règles et lois applicables à son entreprise et le mettre en garde contre tout risque potentiel qu’il encourt. Il doit ainsi mettre à jour régulièrement ses connaissances.

Par ailleurs, le code de déontologie et les normes professionnelles exposent les devoirs auxquels doit se soumettre l’expert-comptable. Ainsi, s’il respecte les textes normatifs et déontologiques, l’expert-comptable ne peut être condamné. Sa responsabilité civile quant à elle sera engagée si un préjudice, une faute et un lien de causalité entre la faute et le préjudice sont réunis. Sa responsabilité pénale sera engagée si sa complicité est reconnue dans le cadre d’une infraction pénale commise par l’entité et son dirigeant.

Concernant le commissaire aux comptes, il est responsable tant à l’égard de la personne ou de l’entité que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences commises dans l’exercice de ses fonctions.

  1. La mise en cause de la responsabilité des experts-comptables et commissaires aux comptes pour les travaux exécutés en relation avec la procédure engagée.

Le respect de la confidentialité est déterminant surtout dans le cadre des procédures amiables. Le professionnel s’expose à des sanctions civiles s’il est prouvé que son manque de discrétion a contribué directement à l’échec de la procédure.

PARTIE 3 : APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE DES MISSIONS DES EXPERTS-COMPTABLES SOLLICITES DANS LE CADRE D’UNE PROCEDURE COLLECTIVE.

Chapitre 1 : Analyse de l’existant au moment de l’ouverture de la procédure

  1. La préparation de l’intervention des professionnels comptables

L’intervention des professionnels comptables nécessite une préparation :

  • Des entretiens avec les divers acteurs de la procédure qui donnent lieu à l’obtention de données tangibles sur l’entreprise.
  • L’organisation de réunions de travail afin de définir le champ de son intervention.
  • Le recueil d’informations sur la structure et son environnement.
  • L’identification éventuelle de fautes de gestion si l’expert-comptable a été nommé en tant qu’expert judiciaire.
  1. Les documents et informations comptables existants.

L’une des sources privilégiées des informations nécessaires à l’expert-comptable réside dans les documents comptables de l’entreprise :

  • Les pièces comptables : vérifier la maîtrise des principes d’enregistrement
  • Les éditions comptables vont permettre la création de situations périodiques, d’états prévisionnels et des documents de synthèse
  • Les rapports sur les comptes annuels et spéciaux du commissaire aux comptes
  • Les informations et documents extra comptables : procédures mises en place par l’entreprise, organigramme, annexes des états financiers, brochures, dépliants…

Chapitre 2 : Mise en place d’outils adaptés aux impératifs des procédures collectives

  1. Le programme de travail mis en place par l’expert-comptable missionné doit être adapté à la procédure engagée

La réalisation de la mission de l’expert-comptable est facilitée par la mise en place d’un programme de travail précis et formalisé par écrit. Le programme de travail a pour objectif de déterminer, répartir et planifier les tâches à effectuer. La méthodologie de travail comprend divers éléments :

  • Un planning de travail construit en fonction des délais légaux imposés
  • Un dossier de travail synthétisant les diligences à effectuer et les documents à établir
  • L’analyse des facteurs éventuels de blocage de l’avancée des travaux 
  1. Des feuilles de travail adaptées à la nécessité de retraitement extracomptable des données comptables et financières

Les feuilles de travail matérialisent les travaux effectués par l’expert-comptable et retraitent les informations concernant l’entreprise pour faciliter l’élaboration des documents de synthèse.

Les feuilles de travail prennent en compte cinq éléments :

  1. La vérification de la situation de cessation des paiements, le cas échéant,
  2. Le suivi périodique des charges et produits relatifs à la période d’observation,
  3. Le reclassement des créances et des dettes en fonction de la date d’ouverture de la procédure,
  4. La hiérarchisation des créances par grandes masses,
  5. Les tableaux de synthèse clairs et exploitables par les tiers.

 

  1. Spécificités liées aux créanciers sociaux et fiscaux

Les créances sociales et fiscales de l’entreprise en difficulté sont soumises à certaines particularités.

  • Un suivi des créances salariales et des avances de l’AGS,
  • Les autres dettes sociales de l’entreprise en difficultés,
  • Les licenciements et leurs conséquences,
  • Un contrôle et une synthèse des dettes et créances fiscales.

Chapitre 3 : élaboration des documents de synthèse

  1. Le bilan économique et social établi au cours de la période d’observation

Le concours de l’expert-comptable à la construction définitive du bilan économique et social apporte des garanties supplémentaires sur la fiabilité et la cohérence des informations qu’il contient.

  1. Les états à produire au cours de la période d’observation

L’expert-comptable devra produire différents éléments durant la période d’observation :

  • La synthèse des informations recueillies à l’ouverture de la procédure,
  • L’élaboration des états prévisionnels d’exploitation et de trésorerie,
  • La synthèse et l’analyse du résultat d’exploitation réalisé au cours de la période d’observation,
  • Le contrôle de la cohérence entre les états prévisionnels établis et les données comptables et financières réalisées.
  1. Les états à produire à l’issue de la période d’observation, dans le cadre des procédures collectives.

A la fin de la période d’observation, les organes de la procédure font le bilan de l’activité de l’entreprise soumise à leur contrôle. Plusieurs éléments sont donc à produire à la fin de cette période d’observation :

  • Une synthèse des dettes nées au cours de la période d’observation, nécessaire au maintien de l’activité,
  • Une synthèse des créances restant à recouvrer,
  • Une vérification des déclarations de créances définitives et le recoupement avec les documents comptables et financiers,
  • Le projet de plan de sauvegarde, de redressement ou de cession,
  • Les comptes prorata dans le cadre du plan de cession.
  1. Les états et vérifications propres aux opérations de liquidations

Les opérations de liquidations entraînent l’élaboration d’états et de vérifications particulières :

  • L’élaboration des états financiers de liquidation,
  • L’établissement des déclarations fiscales et sociales consécutives à la liquidation,
  • Le contrôle de la réalisation des actifs et passifs.

CONCLUSION

Le redressement et la liquidation judiciaire restent majoritaires par rapport à l’essentiel des procédures qui s’adressent aux entreprises en difficultés. L’expert-comptable conseille et assiste le client, il apporte ses services dans le suivi de l’activité et l’aide à remplir les obligations. Il crée également le lien entre le débiteur et les acteurs de la procédure.

Le commissaire aux comptes est également un acteur déterminant de la prévention des difficultés.

Par ailleurs, l’assistance d’une entreprise en difficulté demande une organisation comptable précise.

Enfin, les professionnels de la comptabilité se doivent de respecter les normes professionnelles et le code de déontologie afin de limiter les risques de sanctions civiles, pénales ou disciplinaires.

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